Coiffure à la Villers
La sixième coiffure qui se trouve dans l’almanach Le Trésor des Graces, ou la parure de venus mis au jour par le favori du beau sexe, où l’on en compte onze en somme, se distingue par le fait qu’elle est peut-être moins parée que les autres. Il est évident dès le premier coup d’œil que, quoique cette coiffure-ci soit beaucoup plus complexe que celles de l’époque moderne, elle est néanmoins moins décorée que les autres qui apparaissent dans l’almanach : les décorations sont limitées aux plumes de couleurs variées et un seul ruban. Ni dentelle ni fleurs ni bijoux n’adornent les cheveux de la modèle dans la peinture, et même son regard est dirigé vers le bas de la page d’une manière modeste et discrète.
La manière dans laquelle la femme est vêtue dans la peinture indique aussi une simplicité relative : elle met un fichu sans ornement par-dessus une robe rose. Quant aux bijoux, elle n’a qu’une seule boucle d’oreille. De plus, le titre que l’éditeur donne à cette coiffure est révélateur : « coiffure à la villers », ce qui suggère que la femme dépeinte habite dans une commune à la campagne, que sa coiffure est inspirée par la simplicité — et surtout une vision romancée — d’une vie quotidienne. Quand on considère ces détails mélangés ensemble, il devient clair que cette femme, ce personnage présenté pour la consommation des lectrices de l’almanach, cherche à émuler un mode de vie qui est diffèrent de celui qui domine à la cour. Son élégance n’est pas éclatante et n’exprime pas les mêmes frivolités qui se trouvent, par exemple, dans la « Coiffure de la Belle Saison » ou la « Coiffure de Venus pélerine ».
Malgré la simplicité relative qu’on identifie dans la mode et la coiffure de cette femme, on doit encore reconnaître que cette femme ne représente pas vraiment une femme « à la villers » : elle n’est pas tant une bergère qu’une dame qui joue à la bergère. La richesse et la qualité de sa parure, et le statut social des lectrices à qui l’almanach s’adresse, démontrent tous les deux ce fait, un fait qui pourrait mener le lecteur à se demander pourquoi donc ce modèle se trouve ici, pour quelle raison une femme de la haute société s’intéresserait à imaginer la vie, les coutûmes, et la parure d’une femme qui est si en-dessous d’elle.
L’idéalisation de la vie pastorale est un phénomène souvent décrit et bien documenté par les historiens de cette période, et cette idéalisation de la vie des bergers est une mode associée avec un grand nombre de personnages historiques, y compris Marie-Antoinette. Donc nous ne devrions pas avoir trop de surprise de noter cette coiffure dans un almanach qui lui était destinée. En fait, dans les dernières années de son règne, ses critiques trouvaient souvent l’occasion de l’attaquer pour la simplicité de sa parure. Un des grands scandales de son époque qui a assuré le mépris de son peuple pour cette reine étrangère, est arrivé lorsqu’elle a laissé une artiste la dépeindre dans une simple chemise blanche, la tenue qu’elle s’accoutumait à mettre au Trianon, un espace qu’elle s’est fait construire pour son propre entourage (Figure 1). En outre, les femmes qui ont peuplé cette petite cour de la reine s’habillaient d’une manière similaire, [1] portant un costume qui comprenait notablement un fichu comme celui qu’on voit dans l’image de la « Coiffure à la Villers ».
Ce n’est pas simplement que Marie Antoinette s’habillait d’une façon qui exprimait une nostalgie pour la vie sereine d’une bergère ; en fait, au Petit-Trianon, elle a réussi à créer ce monde idéalisé. Le Hameau de la Reine consistait d’un moulin et d’une laiterie d’agrément qui lui avait été donnés comme cadeau par son mari. La reine s’accoutumait à offrir les produits de cette laiterie à ceux qui lui étaient les plus proches, [2] et elle organisait souvent des « fêtes champêtres» pour ses courtisans et dames de la cour. Ces fêtes, comme celles dépeintes par Nicolas Lancret (Figure 2), avaient lieu dans les jardins de Versailles et le Petit-Trianon et consistaient de danses à la campagne et d’autres formes de divertissement imaginées par les courtisans qui s’amusaient à imaginer qu’ils appartenaient à la vie pastorale. [3] Comme l’a écrit Diderot dans son célèbre article de l’Encyclopédie au sujet de la poésie pastorale :
Laurel Kinman, Wellesley College Class of 2018
La manière dans laquelle la femme est vêtue dans la peinture indique aussi une simplicité relative : elle met un fichu sans ornement par-dessus une robe rose. Quant aux bijoux, elle n’a qu’une seule boucle d’oreille. De plus, le titre que l’éditeur donne à cette coiffure est révélateur : « coiffure à la villers », ce qui suggère que la femme dépeinte habite dans une commune à la campagne, que sa coiffure est inspirée par la simplicité — et surtout une vision romancée — d’une vie quotidienne. Quand on considère ces détails mélangés ensemble, il devient clair que cette femme, ce personnage présenté pour la consommation des lectrices de l’almanach, cherche à émuler un mode de vie qui est diffèrent de celui qui domine à la cour. Son élégance n’est pas éclatante et n’exprime pas les mêmes frivolités qui se trouvent, par exemple, dans la « Coiffure de la Belle Saison » ou la « Coiffure de Venus pélerine ».
Malgré la simplicité relative qu’on identifie dans la mode et la coiffure de cette femme, on doit encore reconnaître que cette femme ne représente pas vraiment une femme « à la villers » : elle n’est pas tant une bergère qu’une dame qui joue à la bergère. La richesse et la qualité de sa parure, et le statut social des lectrices à qui l’almanach s’adresse, démontrent tous les deux ce fait, un fait qui pourrait mener le lecteur à se demander pourquoi donc ce modèle se trouve ici, pour quelle raison une femme de la haute société s’intéresserait à imaginer la vie, les coutûmes, et la parure d’une femme qui est si en-dessous d’elle.
L’idéalisation de la vie pastorale est un phénomène souvent décrit et bien documenté par les historiens de cette période, et cette idéalisation de la vie des bergers est une mode associée avec un grand nombre de personnages historiques, y compris Marie-Antoinette. Donc nous ne devrions pas avoir trop de surprise de noter cette coiffure dans un almanach qui lui était destinée. En fait, dans les dernières années de son règne, ses critiques trouvaient souvent l’occasion de l’attaquer pour la simplicité de sa parure. Un des grands scandales de son époque qui a assuré le mépris de son peuple pour cette reine étrangère, est arrivé lorsqu’elle a laissé une artiste la dépeindre dans une simple chemise blanche, la tenue qu’elle s’accoutumait à mettre au Trianon, un espace qu’elle s’est fait construire pour son propre entourage (Figure 1). En outre, les femmes qui ont peuplé cette petite cour de la reine s’habillaient d’une manière similaire, [1] portant un costume qui comprenait notablement un fichu comme celui qu’on voit dans l’image de la « Coiffure à la Villers ».
Ce n’est pas simplement que Marie Antoinette s’habillait d’une façon qui exprimait une nostalgie pour la vie sereine d’une bergère ; en fait, au Petit-Trianon, elle a réussi à créer ce monde idéalisé. Le Hameau de la Reine consistait d’un moulin et d’une laiterie d’agrément qui lui avait été donnés comme cadeau par son mari. La reine s’accoutumait à offrir les produits de cette laiterie à ceux qui lui étaient les plus proches, [2] et elle organisait souvent des « fêtes champêtres» pour ses courtisans et dames de la cour. Ces fêtes, comme celles dépeintes par Nicolas Lancret (Figure 2), avaient lieu dans les jardins de Versailles et le Petit-Trianon et consistaient de danses à la campagne et d’autres formes de divertissement imaginées par les courtisans qui s’amusaient à imaginer qu’ils appartenaient à la vie pastorale. [3] Comme l’a écrit Diderot dans son célèbre article de l’Encyclopédie au sujet de la poésie pastorale :
Tout ce qui se passe à la campagne, n’est donc point digne d’entrer dans la poésie pastorale. On ne doit en prendre que ce qui est de nature à plaire ou à intéresser ; par conséquent, il faut en exclure les grossièretés, les choses dures, les menus détails, qui ne font que des images oisives & muettes ; en un mot, tout ce qui n’a rien de piquant ni de doux. [4]
Laurel Kinman, Wellesley College Class of 2018
The sixth hairstyle presented in Le Trésor des Graces, ou la parure de vénus mis au jour par le favori du beau sexe, of which there are eleven in total, distinguishes itself by its relative simplicity. It is evident from the first glance that, although this hairstyle is certainly more complex than those of the modern era, it is nonetheless less elaborate than the others that appear side-by-side with it in the almanac: its embellishments are limited to various-colored feathers and a single ribbon. Neither lace nor flowers nor gems adorn the hair of the model in the painting, and even the model’s gaze is directed towards the bottom of the page in a manner that is modest and discrete.
The manner in which the model is dressed also indicates a relative simplicity when compared to the others: she wears but an unornamented fichu over a plain pink dress. For jewelry, she has only a single earring. Further underscoring this restraint in her dress is the revelatory title given by the editor of the almanac to the hairstyle: « coiffure à la villers », which suggests that the woman depicted lives in a village in the countryside, that her hairstyle is inspired by the simplicity of — and, above all, the romanticized, pastoral vision of — everyday life. When these details are considered together, it becomes clear that this woman, this character presented for the consumption of the almanac’s reader, seeks to emulate a lifestyle remarkably different from that which dominates at the court. Her elegance is not flashy; it is not expressed by the same trifles and frivolities that one finds, for example, in the « Coiffure de la Belle Saison » or the « Coiffure de Venus pélerine ».
Yet despite the relative simplicity that one can identify in the fashion and the hairstyle of this woman, it must still be recognized that she does not truly represent a woman « à la villers »: she is less a shepherdess than a lady who plays at being one. The richness and quality of her clothing, and the particular readers to whom this almanac is addressed, demonstrate this fact, a fact that could well lead one to wonder why such a model is presented, for what reason a woman of the highest society would interest herself in imagining, and even assuming, the lifestyle and fashions of a woman so far below herself.
The idealization of pastoral life by the elites of the eighteenth century is a phenomenon well described and documented by historians of the era, and associated with a large number of historical personages, including Marie Antoinette. It is therefore not surprising, perhaps, to find such a hairstyle as has been here described in an almanac destined for her. In fact, during the last years of her reign, Marie Antoinette’s many critics often found occasion to attack her for the simplicity of her dress. One of the great scandals of her time, and which assured the distrust of the French people for this foreign queen, came about when she allowed an artist to paint her wearing nothing but a simple white muslin dress, which she was accustomed to wearing at the Trianon, the space she had constructed for her own entourage at Versailles (Figure 1). Furthermore, the women who frequented the queen’s court at the Trianon also dressed themselves similarly [1], wearing outfits that consisted notably of a fichu like that one found on the model of the “Coiffure à la Villers.”
It is not simply the case that Marie Antoinette dressed herself in a fashion that expressed a certain nostalgia for the serene life of a shepherdess; rather, at the Petit-Trianon, she actually managed to create just such an idealized world. The Queen’s Hamlet at Versailles consisted of a windmill and a pleasure dairy, given to her as a present by her husband, Louis XVI. The Queen often offered the products of this dairy to those who were closest to her [2], and she regularly organized fêtes champêtres for the aristocracy of the court. These fêtes, like the one depicted by Nicolas Lancret (Figure 2), took place in the gardens of Versailles and the Petit-Trianon, and consisted of country dances and other forms of entertainment imagined by the courtiers to belong to the pastoral life [3]. As Diderot wrote in an article of his celebrated Encyclopédie on the subject of pastoral poetry:
The manner in which the model is dressed also indicates a relative simplicity when compared to the others: she wears but an unornamented fichu over a plain pink dress. For jewelry, she has only a single earring. Further underscoring this restraint in her dress is the revelatory title given by the editor of the almanac to the hairstyle: « coiffure à la villers », which suggests that the woman depicted lives in a village in the countryside, that her hairstyle is inspired by the simplicity of — and, above all, the romanticized, pastoral vision of — everyday life. When these details are considered together, it becomes clear that this woman, this character presented for the consumption of the almanac’s reader, seeks to emulate a lifestyle remarkably different from that which dominates at the court. Her elegance is not flashy; it is not expressed by the same trifles and frivolities that one finds, for example, in the « Coiffure de la Belle Saison » or the « Coiffure de Venus pélerine ».
Yet despite the relative simplicity that one can identify in the fashion and the hairstyle of this woman, it must still be recognized that she does not truly represent a woman « à la villers »: she is less a shepherdess than a lady who plays at being one. The richness and quality of her clothing, and the particular readers to whom this almanac is addressed, demonstrate this fact, a fact that could well lead one to wonder why such a model is presented, for what reason a woman of the highest society would interest herself in imagining, and even assuming, the lifestyle and fashions of a woman so far below herself.
The idealization of pastoral life by the elites of the eighteenth century is a phenomenon well described and documented by historians of the era, and associated with a large number of historical personages, including Marie Antoinette. It is therefore not surprising, perhaps, to find such a hairstyle as has been here described in an almanac destined for her. In fact, during the last years of her reign, Marie Antoinette’s many critics often found occasion to attack her for the simplicity of her dress. One of the great scandals of her time, and which assured the distrust of the French people for this foreign queen, came about when she allowed an artist to paint her wearing nothing but a simple white muslin dress, which she was accustomed to wearing at the Trianon, the space she had constructed for her own entourage at Versailles (Figure 1). Furthermore, the women who frequented the queen’s court at the Trianon also dressed themselves similarly [1], wearing outfits that consisted notably of a fichu like that one found on the model of the “Coiffure à la Villers.”
It is not simply the case that Marie Antoinette dressed herself in a fashion that expressed a certain nostalgia for the serene life of a shepherdess; rather, at the Petit-Trianon, she actually managed to create just such an idealized world. The Queen’s Hamlet at Versailles consisted of a windmill and a pleasure dairy, given to her as a present by her husband, Louis XVI. The Queen often offered the products of this dairy to those who were closest to her [2], and she regularly organized fêtes champêtres for the aristocracy of the court. These fêtes, like the one depicted by Nicolas Lancret (Figure 2), took place in the gardens of Versailles and the Petit-Trianon, and consisted of country dances and other forms of entertainment imagined by the courtiers to belong to the pastoral life [3]. As Diderot wrote in an article of his celebrated Encyclopédie on the subject of pastoral poetry:
Not all that takes place in the countryside is fit to enter pastoral poetry. One must only take that which is of a nature to please or to interest; consequently, one must exclude all the vulgarities, the hard things, the trifling details that make nothing but dumb, idle images; in short, all that which is neither sweet nor intriguing. [4]
Renvois
« Coiffure de Venus pélerine »
pastoral
neoclassicism
the Queen’s Hamlet
the Petit Trianon
geography
fêtes champêtres