The Mazarinades Project at UNC

L'Achat de Mazarin, en vers burlesques


Qui était Mazarin?
 

D'origine italienne, Jules Mazarin est un homme d'Église et un homme d'Etat français du XVIIe siècle qui fut Premier ministre pour les rois Louis XIII et Louis XIV.

Issu d'un milieu modeste, Giulio Raimondo Mazzarino, de son vrai nom, est né dans les régions montagneuses d'Italie les Abruzzes. Après des études chez les jésuites, il se rapproche de la puissante famille des Colonna, qui l'aide à fréquenter les élites du pays. Il est ensuite éloigné de l'Italie par son père, ce dernier craignait que son amour pour les jeux d'argent ne lui cause des problèmes. Il séjourne ainsi quelques années en Espagne avant de revenir en Italie pour étudier le droit. Rentré au service du Pape, il est nommé capitaine d'infanterie lors de la guerre de Trente Ans. Présent aux négociations, il est remarqué par Louis XIII et le cardinal Richelieu qui l'invitent à venir en France.

Persuadé d'avoir trouvé en Mazarin l'homme qui pourrait lui succéder un jour, Richelieu l'aide financièrement et le soutient pour devenir cardinal. À la mort de ce dernier, Mazarin est nommé principal ministre de l'Etat et désigné comme parrain de Louis XIV encore enfant. Cible de nombreuses critiques en raison de son origine étrangère et de son enrichissement personnel, il devra faire face à la Fronde, un mouvement de révolte mené et dirigé par une partie des nobles français. Un mouvement que Mazarin arrivera à réprimer. À sa mort en 1661 il laisse à Louis XIV un royaume en paix et une autorité royale restaurée.

 


Qu’est ce qu’une Mazarinade:

Une mazarinade est une pièce de vers satiriques (qui prêtent à rire) ou burlesques (par l'emploi de termes familiers voire vulgaires pour évoquer des choses nobles et sérieuses), un pamphlet, publié du temps de la Fronde, au sujet du Cardinal Mazarin. Elle est dirigée contre ce ministre.

Les mazarinades sont une invention postérieure au début de la Fronde. Le terme ne naît qu’en 1649, dans un triolet du poète Marigny : selon M. Pernot « Le premier emploi que nous en connaissons se trouve dans un triolet de Marigny sur l’échec du siège de Cambrai en juillet 1649 […]. Le sens est clair : Mazarinade […], c’est un tour de farceur, une facétie de bateleur, une singerie de bouffon. […] et c’est de ce sens de facétie ou d’attrape de farceur qu’on est passé à celui de mauvais tour, de combine, de fourberie du ministre ». M. Pernot écrit encore : « Le terme existe dès 1649, avec le sens péjoratif de tour de passe-passe, combine destinée à tromper, bien digne de la fourberie italienne généreusement prêtée à Mazarin. ». Mais c’est Scarron, en 1651, qui donne au mot « mazarinade » le sens qui est aujourd’hui retenu : « Si Scarron n’a donc pas forgé le mot, il lui a donné comme une seconde naissance en infléchissant en 1651 dans un sens tout différent. Car sa Mazarinade commence sur le ton grandiose de l’épopée […] ; La Mazarinade est l’épopée de Mazarin comme L’Iliade est celle d’Ilion et La Franciade de Ronsard celle de Francus : une épopée à la mesure du héros, c’est-à-dire une parodie, une bouffonnerie, une caricature d’épopée, comme Jules n’est qu’une caricature de ministre ». D’après C. Moreau, ne comptent comme mazarinades que les pamphlets rédigés par les Frondeurs : « Que sait-on des mazarinades au-delà de ce que Naudé nous en a appris dans son Mascurat ? Presque rien. Le Mascurat, cependant, n’est qu’une défense du cardinal Mazarin contre les pamphlétaires. Naudé n’envisage qu’à ce point de vue les publications des Frondeurs ». Moreau, lui-même, ne définit pas ce dont il entend faire la bibliographie, et sa position apparaît de fait ambigüe. La plupart des définitions (celle du dictionnaire d’E. Littré, celle du dictionnaire Larousse, celle que donne le portail de lexicographie du CNRTL…) sont restrictives : sont désignés comme Mazarinades les seuls pamphlets de la Fronde. Les Mazarinades et la vie littéraire au milieu du XVII e siècle : courants, genres, culture populaire et savante à l’époque de la Fronde étendent pourtant cette définition à l’ensemble des pièces qui ont été imprimées et publiées pendant la Fronde.

 

L’achat de Mazarin en vers burlesques”

 

La mazarinade que j’ai choisie se nomme “L’achat de Mazarin en vers burlesques”. Nous pouvons voir dans le titre que ce texte est écrit en vieux francais car les lettres ne sont pas utilisées de la même manière. “Bvrlesqves” est écrit de la sorte; l’utilisation des “v” a la place des “u” est un exemple d’une des plusieurs différences dont la langue française est écrite à l’époque. Ce pamphlet n’a pas vraiment d’aspect artistique, sauf sur la première page du livre où nous pouvons voir une sorte de mauresque tamponnée en haut de la page. On peut aussi voir à deux reprises une erreur d'importation de ce pamphlet. Sur deux pages nous pouvons voir des mots “Bruxelle” et “La” qui sont tamponnés dans des endroits de la page où il ne devrait pas y avoir de texte.

Le genre de ce pamphlet est un discours direct voire hyperbolique, lié à l’actualité de

l’époque. Les poèmes sont “prononcés” par les villes incluses dans le texte. On ne sait qui est l’auteur, des librairies impriment et vendent ces petits livrets. Il n’y a pas de date de publication mais en cherchant dans “Des Mazarinades” de Moreau pour mon pamphlet, il dit qu’il fut écrit en 1649; il décrit cette Mazarinade brièvement en disant “Cette pièce parut pendant le siège de Cambrai”. La mise en forme de ce pamphlet est originale : en effet, la présentation comme un cahier de voyage dans lequel Mazarin est critiqué dans chacune des 22 villes et pour chaque ville nous découvrons un poème de 8 vers à rimes. Le lexique utilisé dévalorise Mazarin. Le point de vue politique de Mazarinade est certes railleur mais laisse la légèreté de la gaieté l'emporter. A travers la lecture de l'Achat du Mazarin, les villes, donc le peuple, ne sont plus dupes des visées de Mazarin: elles ferment leur porte et sont déterminées à le chasser; à Vienne "le bonheur maintenant respire", à Grenoble "Mon humeur est noble". Le peuple revendique ses valeurs non pas avec des armes mais avec la volonté de ne point l'accueillir sur ses terres. On pourrait nommer ce point de vue, de l'intimidation verbale.

Ce pamphlet ​présente plusieurs villes de France mais aussi d'autres villes de pays qui forment l'Europe d'aujourd'hui. Elles sont représentées de manières géographique, commençant par le nord et finissent par le sud. Ces villes sont personnifiées, elles parlent quasiment toutes de l'invasion malsaine de Mazarin et montrent à quel point chaque ville (le peuple) ne demande que l'expulsion de celui-ci. La voix de chaque ville permet de montrer que le peuple est vaillant pour sauvegarder ses biens et son territoire des griffes de ce Mazarin. Écrites en quelque sorte comme un guide de voyage, ces villes prétendent ne pas avoir à accueillir le Cardinal comme une mise en garde à son encontre.

La critique peinte par ces 22 villes à l'encontre de Mazarin montre que le peuple n'est pas dupe et que cette façon de converser nous rappelle qu'à travers ce pamphlet, nous trouvons le même procédé traité différemment dans d'autres œuvres littéraires du XVIIème siècle, notamment chez Jean de la Fontaine qui personnifie des animaux à travers des aspects moralisateurs au profit d'une interprétation toujours subtile voire subversive.

Le pamphlet n’est pas signé, l’auteur reste anonyme. L’auteur s’adresse au peuple, aux pauvres mais aussi aux personnes influentes, une partie des élites, des bourgeois. Ce texte porte sur la façon que Mazarin a de s’enrichir sur le dos du peuple. Ainsi sont décrits ses traits de caractère et sa personnalité dans chacune des villes où il est conté (22 lieux) : malgré ses airs d’homme précieux, il est méprisable, fourbe, il fait la guerre sans raison, trompeur, fier et malin dont l’âme exécrable ne mérite que méfiance et qui donne envie de prendre les armes, en somme aucune ville ne l’attend même pas Rome. Les informations qu’apporte ce pamphlet sont une critique directe contre Mazarin, un parti pris à l’encontre du Cardinal. Elles ont pour vocation d’être comprises par tous mais également de faciliter la communication grâce à sa forme poétique.

 

Contexte Historique
 

Pour faire plus de recherche sur le siège de Cambrai, voici un peu de contexte historique. Avant le siège de Cambrai, Mazarin élimine Condé. Il confie l’armée qui va opérer aux Pays bas au comte d’Harcourt qui a bien servi la monarchie en Normandie pendant la Fronde Parlementaire (même si c’est un protestant). Ce général, frère puîné du duc d’Elbeuf, est surnommé Cadet la Perle parce qu’il est Cadet de sa famille et qu’il porte une perle l’oreil. Il reçoit pour mission de prendre Cambrai aux Espagnols. Le cardinal rassemble plus de 32000 hommes et 80 pièces d’artillerie. Les espagnols défendent bien, donc sans l’ordre de Mazarin le comte d’Harcourt retire ses troupes. C’est un échec pour Mazarin. Des libellés s’emparent du sujet. La ballade de Marigny, intitulée “Sur l’entreprise de Cambrai” est le plus remarquable de tous. Les Frondeurs ont en effet réclamé dès 1649 que Mazarin soit chassé et que plus jamais un étranger ne puisse gouverner la France.

Levée du siège de Cambrai en 1649, cette mazarinade fut publiée à Paris alors que le drapeau français venait d’être humilié par les Espagnols. Paris était en opposition avec le cardinal Mazarin et tenait à ce que ses projets de premier ministre échouent, même si la France devait payer les frais de la guerre. Le comte d’Harcourt assembla son conseil de guerre et leva le siège. Les baraques furent brûlées, les grosses munitions furent jetées dans le fleuve l’Escaut et l’armée française se retira. Même si Mazarin vint passer une revue quelques jours après pour témoigner son mécontentement de cet abandon de siège, nombre de mazarinades parurent à Paris. Chaque ville s’élève contre Mazarin, de Bruxelles à Paris, capitale française où tout se joue.

Les mazarinades éclairent la Fronde de façon originale : non seulement elles renseignent sur la situation politique, économique et militaire de la France entre 1648 et 1653, mais surtout, elles permettent d’appréhender la mentalité de l’époque, qui s’y exprime avec passion. Les auteurs de mazarinades écrivent sans retenue, et c’est sans retenue que les contemporains les lisent, comme le montrent les réactions très vives suscitées par certains pamphlets. Les mazarinades éclairent d’autant mieux les susceptibilités, engouements, haines, colères, inquiétudes des Parisiens et dans le cas de ma Mazarinade nous montre que dans 22 autres villes les habitants partagent des sentiments réciproques. Elles permettent d’appréhender une partie des enjeux politiques, économiques et sociaux de la Fronde, proches des préoccupations du menu peuple et des bourgeois.


 

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