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Tianjin au temps des concessions étrangères sous l’objectif d’André Bontemps (1931-1935)

Un récit visuel entre micro et macro-histoire

Fleur Chabaille, Author

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La vie à Tianjin

C’est dans la Concession française, établie juste après celle des Britanniques en mai 1861, que s’installe la famille Bontemps dans une maison située au 181A rue Saint-Louis (actuelle Yingkou dao 营口道) qui sépare les concessions française et britannique. Les photographies ci-contre présentent une vue extérieure et une vue intérieure de la demeure, cette dernière nous permettant de pénétrer dans l’intimité de la famille. On y retrouve la fascination que partagent la plupart de ces familles de passage pour l’ameublement et la décoration de type oriental, dans la continuité de l’engouement pour les "chinoiseries" particulièrement prisées au XVIIIe siècle. Comme le montre l’exemple de la famille Bontemps, l’attachement pour le mobilier acquis au cours du séjour en Chine est tel qu’on le ramène souvent lors de son retour en France. Cet acte d’apparence anodine, outre les moyens importants qu’il doit mobiliser, s’avère assez révélateur de l’état d’esprit de ces voyageurs expatriés durant et après leur séjour. Il s’inscrit comme une volonté de matérialisation physique du souvenir, mais aussi de témoignage d’une expérience unique dont ces objets, par leur seule présence, suffisent à évoquer l’exotisme tout en suscitant l’admiration voire l’envie de ceux qui les observent en France.

De la rue où a vécu la famille Bontemps, on peut trouver un témoignage parmi les souvenirs de Grace Liu, une Américaine mariée à un ingénieur chinois ayant vécu de 1934 à 1974 dans la ville de Tianjin. Les premières années, c'est également dans la rue Saint-Louis qu'elle et son mari sont installés. Elle décrit un quartier placé sous la juridiction du Conseil municipal de la Concession française où résident essentiellement des Français des Britanniques et des Russes, d’où son impression de ne pas vivre en Chine mais en territoire français[1].

Une grande part de la diversité de Tianjin est saisie par l’objectif de Bontemps. On découvre au fil de ses films et de ses clichés une ville aux multiples identités avec une navigation permanente d'une concession à l'autre en passant par la vieille ville chinoise ou le champ de courses hippiques situé à l’extrême sud de la ville. L’opulence et la modernité des concessions avec leurs grands magasins, leurs parcs, leurs banques imposantes et leurs différents clubs font tour à tour place à une ville chinoise effervescente dont l’activité grouillante ne parvient pas à dissimuler la pénibilité et la pauvreté du quotidien. Les clichés de ces coolies sur le Bund français (1) et (2), ainsi que de ces ouvrières de filature, en sont des témoignages éloquents.

En dehors des activités professionnelles, la vie concrète des familles de militaires expatriés s'articule pour certains autour d'une pratique religieuse régulière, ponctuée d'événements personnels, tels que des mariages ou des communions. Jacqueline Bontemps est notamment photographiée et filmée en tenue de communiante lors de sa première communion en mai 1933. Bontemps montre aussi des scènes de vie quotidienne à l'église Saint-Louis. A la sortie de la messe, on observe à la fois des Occidentaux, Français pour la plupart, et des Chinois, mais sans qu'il n'y ait d'échanges apparents entre eux. De manière générale, les Français se rendent plutôt à l’église Saint-Louis, située au cœur de la Concession française, tandis que les Chinois fréquentent davantage la cathédrale Saint-Joseph (Xikai jiaotang 西开教堂), qui se trouve à la périphérie dans le quartier de Laoxikai.

Les trajectoires de ces familles expatriées sont toutes marquées par les allées et les venues, les arrivées et les départs. Le court séjour de la famille Bontemps à Tianjin rend compte de ces mouvements incessants. Tantôt, il s'agit de cérémonies solennelles en l'honneur d'un personnage de haut rang militaire. A son départ en juillet 1931, le général britannique F. H. Burnell-Nugent reçoit par exemple l'hommage des différents corps militaires étrangers : le contingent américain, le contingent français (1) et (2), le contingent britannique et le contingent italien. De même, Bontemps capture quelques images de la fanfare militaire organisée devant la Municipalité française pour le départ du colonel Noiret. Les quelques scènes suivantes ont sûrement été prises avant son embarcation. Le 19 mars 1934, l'arrivée du général japonais Y. Umezu est également filmée par Bontemps. Cet événement est rapporté dans L'Ancre de Chine où il est précisé qu'Umezu a été nommé pour remplacer le lieutenant-général K. Nakamura dans le commandement des forces impériales japonaises en Chine du Nord[2].

En dehors des personnalités publiques, ce sont aussi des collègues et amis qui quittent Tianjin, par exemple la famille Mangin le 22 juin 1931 (1)(2) et (3), ou encore l'épouse de l'intendant militaire Valentin. Il est probable que cette dernière soit rentrée quelques mois, voire quelques années, plus tôt en France comme cela se faisait souvent. Plusieurs plans montrent d'abord les dockers chinois qui transportent des sacs de farine pour charger les navires sur le Haihe 海河. On aperçoit ensuite des familles européennes qui entourent Mme Valentin et lui offrent des fleurs. Certaines personnes traversent la passerelle pour se diriger vers la gare d'où Mme Valentin fait ses adieux avant de partir en train.
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