Mutimedia History - Saison 4/Episode 3 : Temps et récit (Paul Ricoeur)
Le facteur temps - à la fois temps du récit et temps dans le récit - hante toutes les expérimentations narratives. Une obsession que les artistes n'ont pas peur d'affronter, contrairement aux historiens qui continuent généralement de considérer le temps comme cette matière première qu'il serait inutile voire dangereux d'interroger. Les œuvres présentées lors de la journée se confrontaient au temps de trois manières :
Cette œuvre de Peter Forgacs peut tout particulièrement interpeller l'historien de la Chine moderne (dans sa situation de "semi-colonie"), puisqu'il documente la vie quotidienne des gens ordinaires aux Indes néerlandaises pendant la période coloniale (1900-1940), à partir de films d'archives du Eye Institute. Elle intéresse également l'historien qui réfléchit à l'écriture de l'histoire : conçue comme une « composition musicale » pour assumer une interprétation personnelle des faits, plutôt que se poser comme reflet objectif et purement documentaire des faits : “I put my films together like musical pieces. I make compositions on the basis of the material I’ve found. They are personal interpretations of history, not documentaries aiming at objectivity.”. L'artiste manifeste sa volonté d''écrire visuellement une histoire intime, en donnant le point de vue des témoins ordinaires - plutôt que le point de vue des institutions ou des professionnels (industriels, marchands...), à partir de films amateurs. Cinq procédés d'anachronismes cinématographiques peuvent être relevés dans l’œuvre de Peter Forgacs :
Ana Torfs, Anatomy, 2006 : où l'anachronisme devient instrument principal de l'analyse de la culture visuelle d'aujourd'hui.
On peut identifier dans cette œuvre trois degrés d'anachronisme :
Aernout Mik, Communitas, Musée du Jeu de Paume, 2011 : un récit sans histoire(s) ? Des choses se passent mais il n'y a pas de dénouement, pas de conclusion, ni d'identification possible avec les personnages. L'architecture de l'installation mime le pli leibnizien ou deleuzien, offrant un espace d'exposition labyrinthique où l'on peut regarder, s'asseoir, (se) poser ou (se) pauser pour regarder les films. Il n'y a ni récit ni itinéraire. Il n'y a qu'une seule œuvre, unique, qui confère une continuité dans le temps et l'espace. Le récit est récit de la visite elle-même, la visite devient récit. Le spectateur a l'impression d'être acteur, de jouer lui-même dans le film : l'écran posé au niveau du sol procure cette sensation d'immersion. Certaines images posent question : ces spectateurs de théâtre dorment-ils après une journée de travail épuisante, ou bien sont-ils morts, comme le suggérait une allusion à l'actualité d'un attentat récent dans ce même théâtre ? L'anachronisme prend ici la forme de l'allusion, de l'association d'images et d'idées, qui a ici le statut est une coprésence - du passé et du présent.
- en tordant la flèche du temps et en décomposant le récit classique, linéaire et orienté (de gauche à droite, du passé vers le présent et l'avenir) ;
- en charriant et chevauchant les différentes strates et échelles de temps (passés, présents, futurs ; souvenirs individuels et mémoires collectives), préférant cette tectonique temporelle à une géologie figée de la matière-temps ;
- en assumant pleinement l'anachronisme ou l'anachrotopisme, équivalents plastiques de la métalepse littéraire définie par Gérard Genette, et autres "turbulences temporelles" (Mieke Bal) dont les artistes ont compris l'impossibilité d'y échapper, et l'on transformé en principe créateur fécond - contrairement aux historiens, pour qui "l'anachronisme" reste depuis Braudel ce péché capital et irrémissible...
Peter Forgacs, Looming Fire, Eye Film Institute (Amsterdam), 2013
Cette œuvre de Peter Forgacs peut tout particulièrement interpeller l'historien de la Chine moderne (dans sa situation de "semi-colonie"), puisqu'il documente la vie quotidienne des gens ordinaires aux Indes néerlandaises pendant la période coloniale (1900-1940), à partir de films d'archives du Eye Institute. Elle intéresse également l'historien qui réfléchit à l'écriture de l'histoire : conçue comme une « composition musicale » pour assumer une interprétation personnelle des faits, plutôt que se poser comme reflet objectif et purement documentaire des faits : “I put my films together like musical pieces. I make compositions on the basis of the material I’ve found. They are personal interpretations of history, not documentaries aiming at objectivity.”. L'artiste manifeste sa volonté d''écrire visuellement une histoire intime, en donnant le point de vue des témoins ordinaires - plutôt que le point de vue des institutions ou des professionnels (industriels, marchands...), à partir de films amateurs. Cinq procédés d'anachronismes cinématographiques peuvent être relevés dans l’œuvre de Peter Forgacs :
- par la couleur : qui apparaît comme une couche artificielle tirant vers le présent ;
- par le triple rideau : qui rend possible une histoire à trois couches temporelles ;
- par l'ironie dans les lettres lues par les acteurs : questionne l'ironie même : lettres passées lues par des voix contemporaines - présentes (anachroniques) en révélant l'actualité grinçante;
- par la coprésence de moments et de couches sociales différent(e)s : qui permet comme l'historien de montrer la complexité des structures sociales coloniales
- par le montage final réalisé par l'artiste lui-même.
Ana Torfs, Anatomy, 2006
Ana Torfs, Anatomy, 2006 : où l'anachronisme devient instrument principal de l'analyse de la culture visuelle d'aujourd'hui.
On peut identifier dans cette œuvre trois degrés d'anachronisme :
- un anachronisme des sujets : par la mise en parallèle de deux victimes de deux meurtres passés et présent (Rosa Luxembourg hier et Lukner aujourd'hui) ; par le titre de l’œuvre même ("Anatomy"), juxtaposée à côté d'un tableau de Rembrandt peignant une scène de dissection – selon une démarche plus classique d'historien d'art en quête de filiations ou de divergences.
- un anachronisme technique : par l'utilisation d'un medium désuet pour montrer une réalité contemporaine) : utilise la diapo - la sélection comme anachronisme de fond :
- un méta-anachronisme : par montage de fragments de plus mille pages de procès-verbal : aucune source n'a été inventée, l’œuvre consiste à citer des sources primaires, dont les extraits sont disposés en séries d'énoncés vagues et contradictoires qui constituent la trame du récit.
Aernout Mik, Communitas, 2011
Aernout Mik, Communitas, Musée du Jeu de Paume, 2011 : un récit sans histoire(s) ? Des choses se passent mais il n'y a pas de dénouement, pas de conclusion, ni d'identification possible avec les personnages. L'architecture de l'installation mime le pli leibnizien ou deleuzien, offrant un espace d'exposition labyrinthique où l'on peut regarder, s'asseoir, (se) poser ou (se) pauser pour regarder les films. Il n'y a ni récit ni itinéraire. Il n'y a qu'une seule œuvre, unique, qui confère une continuité dans le temps et l'espace. Le récit est récit de la visite elle-même, la visite devient récit. Le spectateur a l'impression d'être acteur, de jouer lui-même dans le film : l'écran posé au niveau du sol procure cette sensation d'immersion. Certaines images posent question : ces spectateurs de théâtre dorment-ils après une journée de travail épuisante, ou bien sont-ils morts, comme le suggérait une allusion à l'actualité d'un attentat récent dans ce même théâtre ? L'anachronisme prend ici la forme de l'allusion, de l'association d'images et d'idées, qui a ici le statut est une coprésence - du passé et du présent.
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