Shanghai (21/02/1931) : Septième escale
Ah! ce Peï Ho [Haihe] ! Une eau limoneuse, épaisse et lourde qui va salir la mer jusqu'à 20 ou 30 milles au large de l'embouchure, et qui, tourmentée par la bourrasque, a l'air d'une coulée de glaise liquide.
Le long des berges, incessamment rongées par la vague qui nous suit, se succèdent les villages aux maisons en torchis de boue et de paille, dont quelques-unes, peu à peu, retombent par morceaux dans le fleuve qui en a fourni la matière et dont elles ont la couleur. Quand elles sont tout à fait dévorées par le courant, on les reconstruit (ce n'est pas la place qui manque) en arrière des autres, qui sont, à leur tour, appelées à disparaître. Le paysage, à perte de vue, n'est qu'une vaste nappe de verdure d'un vert tendre à faire pleurer.
D'ailleurs, ce n'est pas beau, beau. De nombreuses jonques circulent sur cette boue mouvante où nous flottons nous-mêmes. Elles ont beaucoup de caractère et leur aspect barbare, un peu théâtral, est des plus impressionnants.
Notre bateau, le Feng-Tien, monté par un équipage chinois et commandé par des officiers anglais, transportait, outre ses passagers européens, une grande quantité de Chinois parqués dans le faux pont. Nous avons eu, grâce à eux, un avant-goût des parfums de Pékin. Rien d'enivrant, je vous assure. Mais quel grouillement, quelles têtes, quelle couleur! Pendant le coup de vent que nous avons essuyé devant Ta Kou [Dagu], ces malheureux n'en menaient pas large; leur faux pont à claire-voie était, à chaque instant, balayé par les lames; l'eau, embarquant plus rapidement qu'elle ne s'écoulait, roulait constamment d'un bord à l'autre, comme dans un tonneau qu'on rince. Et, malgré que nous ne fussions pas, non plus, sur un lit de roses, nous ne pouvions nous empêcher de plaindre ces pauvres gens."[1].
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