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Tianjin au temps des concessions étrangères sous l’objectif d’André Bontemps (1931-1935)

Un récit visuel entre micro et macro-histoire

Fleur Chabaille, Author

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Colombo (01/02/1931) : Troisième escale


Le départ de Djibouti pour Colombo, capitale du Ceylan (actuel Sri Lanka), annonce un tournant important du voyage. C'est au cours de cette étape que le bateau passe d'un continent à l'autre et franchit le cap asiatique. Les photographies de Bontemps sont plus nombreuses que lors des escales précédentes. Elles témoignent d'un intérêt plus vif et d'une exaltation plus grande. L'environnement urbain et les modes de déplacement commencent à initier la famille au mode de vie qui l'attend à Tianjin. Elle y découvre notamment le pousse-pousse (ou rickshaw en anglais) devenu un véhicule emblématique du continent et de la présence coloniale, même si son origine et son développement initial au Japon ne sont aucunement liés à la colonisation.

Roland Dorgelès exprime un émerveillement tout particulier lors de cette escale qu'il qualifie de "paradis terrestre" :
"Après l'ignominie de Port-Saïd, après l'aridité de Djibouti, c'est une soudaine griserie de beauté. On ne regarde plus : on s'étonne, on s'émerveille.
C'est d'abord la ville européenne, aux larges rues bordées d'arcades, ses façades rouges, vertes et blanches, avec des ornements en stuc de toutes les couleurs et d'étranges toits dentelés tout hérissés de cornes. Marchands de pierreries, marchands d'ivoire, marchands de curios, marchands de soierie, et, dans toutes les boutiques, des éléphants : là brodés, ailleurs taillés dans le bois, plus loin exécutés en pendentif, avec un trompe d'émeraude. Mais ce quartier de larges avenues et de riches bâtisses, de banques et d'hôtels, ce n'est rien encore, malgré l'amusante poursuite de ces
rickshaws que des coolies à chignon traînent d'un trot léger, ce n'est rien malgré le tournoiement des corneilles familières chargées par Dieu de la voirie, ce n'est rien malgré la disparate des costumes et le contraste des races : Anglais bottés, Indiens pieds nus, Malais aux calottes de velours, c'est au quartier indigène qu'il faut aller pour que la féérie commence. Le marché, d'abord, ce merveilleux marché aux fruits où s'amoncellent les ananas et les oranges vertes, les lourds pamplemousses, les citrons, les noix d'arec, les papayes juteuses, les cocos doublés de velours blanc, les choux palmistes, et ces succulents mangoustans, qu'on gobe ainsi que des oursins. Dans l'ombre parfumée de cette halle tous les présents de l'île sont entassés et chantent aux yeux ; c'est la cueillette d'un immense jardin, toute sa saveur, toutes ses couleurs, et le visage doré des marchandes, fendu d'un sourire, fait encore songer à des fruits éclatés qui montreraient leur pulpe. Hommes ou femmes ?... On hésite... Imberbes, avec des grands yeux aux longs cils, les cheveux flottants ou noués en chignon, ces mâles sont si purement beaux que le regard ne s'y trompe. On ne peut croire qu'ils soient assemblés là vulgairement pour vendre ; ils apparaissent, dans cet éblouissant tableau, comme les esclaves chargés de corbeilles des scènes somptueuses du Tintoret : ils ne sont là que pour la beauté.
Pas de misère, pas de laideur, dans cette foule heureuse. Les vieillards les plus pauvres ont de majestueux visages qui imposent, et les gamins demi-nus, les fillettes timides qui s'accrochent à vos pas ont des gestes de grâce, des bras harmonieux quand ils tendent la main
.
(...) Rien ne paraît vrai, on vit un conte, et seuls les tramways qui passent, chargés d'indigènes et les autos qui cornent, prenant leur gauche, à l'anglaise, vous rappellent que vous ne dormez pas."[1].
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