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Tianjin au temps des concessions étrangères sous l’objectif d’André Bontemps (1931-1935)

Un récit visuel entre micro et macro-histoire

Fleur Chabaille, Author
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Introduction

Les sources visuelles constituent parfois de bien plus riches témoignages historiques d'un lieu, d'une époque et de la vie quotidienne que certaines traces écrites laissées par quelques diplomates ou voyageurs. Elles en représentent tout du moins un complément essentiel au travail, parfois difficile, de reconstitution historique.

C'est le cas du fonds d'archives d'André Bontemps qui transmet à l'historien, à travers ses clichés et ses films, des images aux thématiques et aux angles de vue variés sur l'espace et les événements qui l'entourent, sans en imprimer forcément sa marque subjective. Contrairement à l'écrit, le support visuel peut difficilement masquer la réalité de son contenu ; il nous donne à voir des instantanés saisis sans les corrections volontaires ou les oublis et erreurs de la mémoire. Certes, l'image n'est pas toujours le reflet exact de la réalité et résulte d'un processus de sélection qui dépend aussi de la volonté du photographe et de ce qu'il désire immortaliser. Les situations n'en demeurent pas moins capturées dans leur vérité du moment sans modification postérieure.

L'étude du fonds, tout comme sa visualisation, combine les deux types de supports visuels utilisés par Bontemps, la photographie et le film. L'entremêlement d'images, tantôt figées tantôt animées, offre une compréhension et un éclairage mutuels. Leur alternance et leur association dépeignent le tableau vivant d'une époque sous l’œil d'un de ses observateurs contemporains.

Passionné par les techniques de prise de vue de son temps, l'officier français dispose de plusieurs appareils dont il se sert successivement ou simultanément durant son séjour à Tianjin.

Le premier et aussi le plus ancien est un appareil utilisant des plaques de verre avant l'apparition de la pellicule.

Le deuxième, de marque Kodak Junior,a été fabriqué par la compagnie Eastman Kodak Co. à partir de 1914.

Le troisième est un appareil Welta Perle dont l'apparition remonte à 1930.

Enfin, la Motocaméra Pathé-Baby a servi à l'enregistrement des films sur bobines Pathé-Baby de 9,5mm (1 et 2). Pour une présentation plus détaillée, on peut se reporter à son manuel d'instruction.

Malgré leur richesse, les sources visuelles comportent leurs propres limites, souvent différentes de celles des documents écrits. Pour pallier les difficultés d’identification et de contextualisation de certains clichés ou films, une source écrite majeure est venue par chance s’associer au fonds. Il s’agit de la revue L’Ancre de Chine (cote IHTP RV 724), sans doute peu connue des historiens et des sinologues en raison de sa courte durée de publication[1]. Constituée de nouvelles visant à renforcer les liens de solidarité entre les militaires, ainsi que de chroniques historiques, géographiques et culturelles, elle permet d’apporter le complément écrit au récit visuel d’André Bontemps grâce au fourmillement d’informations qu’elle contient sur la vie des militaires français de 1934 à 1936. 

C'est ainsi que se matérialise une forme d’interdépendance entre sources visuelles et écrites sur des problématiques historiques, en particulier sur celles liées à la circulation, la découverte, l’échange, la rencontre et la sociabilité. Dans un cas, on dispose de la matière écrite et détaillée sans l’information visuelle qu’il nous faut imaginer. Dans le second, on se trouve au contraire face à des éléments visuels disparates qu’il nous faut contextualiser, articuler et raconter. Chacun de ces supports revêt une importance équivalente pour un travail de reconstitution historique qui se priverait à vouloir en privilégier un par rapport à l’autre. Leur complémentarité impose leur croisement et leur confrontation pour un enrichissement réciproque et une exploitation historique pertinente. Dans le cadre de notre étude, cette mise en parallèle s’avère chronologiquement et spatialement possible puisque la revue et le fonds Bontemps évoquent et décrivent tous deux le Tianjin des années 1930.

Leur analyse révèle l’importance à lier le contexte diplomatique et politique général de l’époque avec des fragments de « micro-histoire » tels qu’ils se trouvent capturés par Bontemps ou décrits au fil des pages de la revue. Ces éléments permettent de mener une étude sociale plus fine de la vie quotidienne à l’intérieur et autour des concessions. Leur exploitation croisée nous invite ainsi à combiner trois types d'analyse historique :
  • Une histoire spatiale qui s'intéresse aux lieux visités à différentes échelles et aux circulations.
  • Une histoire sociale à l'échelle micro centrée sur le mode de vie et l'organisation de la communauté française en Chine, plus précisément de la frange militaire à Tianjin, ainsi que sur ses échanges avec les autres nationalités.
  • Une histoire connectée combinant échelles micro et macro. Le quotidien filmé par Bontemps fournit en même temps un aperçu à plus grande échelle de certains événements et évolutions historiques majeurs de l’époque.
L'exploration du fonds combine ces trois approches historiques pour une compréhension plus fine du quotidien des militaires. Le contexte singulier des concessions crée par ailleurs des situations rares, voire inédites, comme ces défilés et ces jeux sportifs auxquels participent ou assistent des militaires de nationalités diverses.

L’écriture du récit visuel doit donc tenter de poser des mots sur cette réalité complexe tout en laissant "s'exprimer" les éléments photographiques et filmiques d’eux-mêmes lorsqu’ils sont porteurs d’un sens que l’écrit ne suffit pas à retranscrire. Cette réflexion sur la manière dont on peut construire un récit visuel historique constitue la trame de fond de cette étude. Il s'agit de se demander, au-delà de l'usage illustratif traditionnel des éléments visuels dans la narration historique, comment ces derniers peuvent guider l'historien dans son interprétation du passé.
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